Questions relatives aux enjeux juridiques

Il existe plusieurs lois influençant le sujet du tabagisme dans les logements résidentiels de location en Ontario.

La Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation (LLUH) précise les droits et responsabilités des propriétaires et des locataires de locaux résidentiels et fournit un moyen de régler les différends auprès de la Commission de la location immobilière.

La LLUH n’aborde pas précisément le tabagisme. Cependant, il est légal pour un propriétaire de mettre en place une politique sans fumée dans une partie ou l’ensemble des logements de la propriété. Les propriétaires ont le droit d’imposer des obligations ou restrictions aux locataires qui ne figurent pas sur le bail standard, à condition que ces exigences n’enfreignent pas la Loi sur la location à usage d’habitation, le Code des droits de la personne de l’Ontario, ou toute autre loi fédérale.

Cependant, une politique sans fumée ne s’appliquerait qu’aux nouveaux locataires qui signent un bail. Le paragraphe 38 (1) de la Loi indique que si une convention de location pour une période définie s’est terminée et que la location n’a pas été renouvelée ni résiliée, le propriétaire et le locataire sont considérés comme l’ayant renouvelée sous forme de convention de location mensuelle contenant les mêmes modalités que celle qui a expiré. Selon la loi, les locataires souhaitant fumer dans leurs logements bénéficieraient d’une « clause de droits acquis », ce qui signifie qu’ils pourraient être autorisés à continuer de fumer dans leur logement tout au long de leur location.

Si une convention de location ne comprend pas de clause sans fumée, les locataires sont autorisés à fumer à l’intérieur de leur logement. Cependant, cela ne signifie pas que les locataires ont un droit absolu de fumer sans tenir compte des autres résidents du bâtiment. L’article 22 indique qu’un propriétaire ne doit pas interférer avec la jouissance raisonnable du logement d’un locataire, ce qui peut vouloir dire ne pas agir contre l’infiltration de fumée secondaire de logements voisins.

Bien que la loi ne précise pas exactement que la fumée secondaire constitue un motif de violation de la jouissance raisonnable, il y a eu des affaires juridiques en Ontario aux termes desquelles l’infiltration de fumée secondaire qui causait une perturbation importante a été jugée comme une violation de la jouissance raisonnable.

En Ontario, fumer du tabac et du cannabis, et vapoter toute substance est interdit dans les zones communes intérieures de propriétés à logements multiples, notamment les foyers, ascenseurs, cages d’escalier, buanderies, couloirs, etc. Cependant, la Loi ne s’applique pas aux situations où les résidents partagent des « zones communes » au sein de logements privés comme les cuisines, salons et salles de bains, par exemple quand ils louent une chambre dans une maison, mais partagent une cuisine et une salle de bain. Dans certaines situations, comme en cas de prestation de services de garderie ou de soins de santé à domicile, la Loi reconnaît les logements privés comme des lieux de travail et fumer y est également interdit.

La loi permet à certains types de résidences servant également de lieu de travail d’établir des « zones fumeurs contrôlées » (également appelées fumoirs) pour les résidents uniquement, à condition qu’elles soient fermées, qu’elles respectent des exigences de ventilation strictes, et qu’elles ne soient utilisées que par les résidents qui peuvent fumer indépendamment. Selon la loi, les types d’installations à logements multiples suivants sont autorisés à avoir des zones fumeurs contrôlées :

  • Maisons de soins infirmiers, foyers de bienfaisance pour personnes âgées, logements supervisés;
  • Maisons de retraite offrant des soins;
  • Établissements psychiatriques;
  • Établissements résidentiels pour anciens combattants.

Les hôtels et autres types d’hébergements temporaires sont explicitement exclus de la loi favorable à un Ontario sans fumée, ce qui signifie que fumer est autorisé dans les chambres privées, sauf si l’hôtel a adopté une politique sans fumée.

Le Code des droits de la personne confère aux Ontariens les mêmes droits et possibilités sur des sujets comme l’emploi, le logement et les services. Le Code offre une protection contre la discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur de peau, l’origine ethnique, la citoyenneté, les croyances, le sexe, l’orientation sexuelle, les handicaps, l’âge, l’état matrimonial, la situation familiale, le fait d’être bénéficiaire d’une assistance publique et les antécédents criminels. Lorsqu’il existe un conflit entre le Code et une autre loi de l’Ontario, le Code prévaut généralement.

Dans le contexte du logement, le Code des droits de la personne contient certaines dispositions intéressantes concernant les politiques sur le tabac et l’interdiction du tabac aux articles 2 (1), 11 (1) a) et 17 (1) et (2). Il est possible qu’un locataire puisse soumettre une requête au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario au motif que le propriétaire n’a pas pris de mesures raisonnables pour résoudre un problème de fumée secondaire s’infiltrant dans son logement depuis un logement voisin. Un locataire ayant un handicap aggravé par la fumée secondaire, tel que l’asthme, ou les allergies, pourrait arguer que le propriétaire a la responsabilité de limiter ou d’interdire le tabac afin de s’adapter au handicap du locataire.

À l’inverse, le tabagisme n’est pas considéré dans le Code comme un motif de protection. En 2007, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a publié un rapport sur le logement locatif et les droits de la personne, qui concluait qu’« il y a des décisions conflictuelles quant à savoir si fumer peut être considéré ou non comme un handicap et si autoriser les personnes à fumer est une adaptation convenable. » En 2009, la CODP a publié une Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif. La partie 6.1 aborde le sujet du tabac, et sa conclusion est la suivante :

« Un fournisseur de logement a le devoir d’explorer les demandes d’adaptation des locataires ayant toute forme de handicap. Il peut être demandé aux locataires de coopérer et contribuer à l’adaptation pour eux-mêmes, et au besoin, pour les autres locataires. »

Cependant, compte tenu des risques inhérents associés au tabagisme, un fournisseur de logement peut avoir peu ou pas d’obligation de s’adapter au besoin du locataire de fumer, si cela entraînait une contrainte excessive, par exemple, en affectant négativement la santé et la sécurité des autres locataires.

La question du tabagisme en tant que handicap a été traitée à plusieurs reprises au fil des années, et les tribunaux canadiens ont toujours conclu (à une exception près) que la dépendance à la nicotine n’est pas un handicap. La seule exception était une décision de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique dans le contexte d’un emploi. Cominco, une fonderie de nickel, avait interdit le tabac sur le site de l’usine, et bien que la Commission ait jugé que l’interdiction constituait une discrimination contre les fumeurs fortement dépendants, elle a également reconnu que la politique sans fumée de l’employeur était raisonnable, et adoptée pour protéger les non-fumeurs contre un danger connu. L’affaire a été redirigée vers les parties pour trouver une solution d’adaptation aux fumeurs fortement dépendants, et l’interdiction de fumer de Cominco demeure en effet aujourd’hui.

Il est important de noter que cette décision s’appliquait à une situation d’emploi. En ce qui concerne le logement, il est peu probable qu’un arbitre ou un juge préfère que les locataires soient constamment exposés à la fumée secondaire plutôt que de violer le droit supposé d’une personne à fumer. Le fait qu’une personne exerce sa liberté de fumer ne signifie pas nécessairement qu’elle a un droit absolu de fumer.

Le problème central est le sevrage de la nicotine. Même si à l’avenir, un arbitre ou un juge déterminait que le tabagisme d’un locataire est un handicap, l’objectif deviendra pour le propriétaire d’offrir une adaptation raisonnable sans contrainte excessive. Cela pourrait inclure d’offrir une zone fumeur extérieure, d’apporter des modifications physiques au logement du fumeur, ou d’offrir une thérapie de remplacement de la nicotine, etc.

Il doit être noté que la désignation d’un handicap est individuelle. Si un juge venait à décider qu’un locataire fumeur était handicapé, cela ne signifie pas que tous les fumeurs en Ontario devraient aussi être reconnus comme handicapés.

La Charte canadienne des droits et des libertés est une déclaration de droits ancrée dans la Constitution du Canada. Elle forme la première partie de la Loi constitutionnelle de 1982, et sert à protéger certains droits politiques et civils des habitants du Canada contre les politiques et actions de tous les échelons du gouvernement. Voici quelques exemples de ces droits et libertés :

  • Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité (article 7);
  • Le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités (article 12);
  • Le droit à l’égalité devant la loi (article 15);
  • La liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de religion (paragraphe 2a).

La Charte s’applique uniquement aux lois et mesures gouvernementales (y compris les lois et mesures des administrations fédérales, provinciales et municipales et des conseils scolaires publics), et non aux activités privées telles que les dispositions d’un bail de location. Contrairement aux revendications de divers groupes de défense des droits des fumeurs, la Charte ne protège pas les fumeurs contre la discrimination.

Les droits et libertés indiqués ci-dessus ont été choisis comme exemples, car de nombreuses lois et politiques canadiennes sans fumée ont été remises en question au motif de ces articles de la Charte. Les juges chargés de ces affaires ont toujours conclu que la Charte ne reconnaît par les fumeurs comme un groupe souffrant d’un désavantage social, politique ou juridique dans notre société. En vertu de cette législation, fumer n’est pas considéré comme un handicap physique, et cela a été démontré dans plusieurs affaires.

Jurisprudence

Il y a plusieurs exemples de jurisprudence en Ontario concernant la fumée secondaire dans les logements multiples. Voici quelques exemples :

À la demande du propriétaire, aucune politique en place

Numéro de l’affaireRaison de la demandeRésultat
TEL-94801-18Le locataire a interféré considérablement avec la jouissance raisonnable du propriétaire, en raison d'une crise de colère, de tabagisme et d’entreposage.Une ordonnance a été émise demandant au locataire, aux invités du locataire ou aux occupants de ne fumer à l’intérieur du logement locatif, ou dans un rayon de 9 mètres autour du logement.
TSL-91996-18Le propriétaire a demandé une ordonnance de résiliation de la location pour interférence à la jouissance raisonnable des autres locataires au motif de tabagisme.Le locataire doit cesser complètement de fumer du tabac à l’intérieur du logement locatif et (ou) du complexe résidentiel.
TNL-08483-18Le propriétaire a demandé une ordonnance de résiliation de la location et d’expulsion du locataire, car le locataire a délibérément ou négligemment causé des dommages excessifs au logement.Les preuves présentées montraient que le locataire a délibérément ou négligemment causé des dommages excessifs au logement locatif et au complexe résidentiel par son tabagisme et son comportement destructeur et violent dans le complexe résidentiel. Le locataire a dû payer 1 690 $ de dommages.
TEL-91021-18Le propriétaire a demandé une ordonnance de résiliation de la location et d’expulsion du locataire, car le locataire a délibérément ou négligemment causé des dommages excessifs au logement et a interféré avec la jouissance raisonnable des autres locataires en fumant du cannabis.La location a été résiliée.
Le locataire a également dû verser 190 $ au propriétaire pour les frais administratifs de la demande.

À la demande du propriétaire, politique en place

Numéro de l’affaireRaison de la demandeRésultat
TSL-95195-18Le locataire fumait à l’entrée de l’immeuble du complexe de location et ce comportement a considérablement interféré avec la jouissance raisonnable des autres locataires du complexe de location, et interfère considérablement avec un droit, privilège ou intérêt licite du propriétaire ou des autres locataires.Fumer dans l’entrée d’un immeuble interfère avec la jouissance raisonnable des autres locataires et interfère avec un droit, privilège ou intérêt licite des propriétaires. La location a été résiliée.
TEL-92263-18Le propriétaire a demandé une ordonnance de résiliation de la location pour interférence à la jouissance raisonnable des autres locataires au motif de tabagisme.La convention de location entre le propriétaire et le locataire a été résiliée.
Le locataire a également dû verser 190 $ au propriétaire pour les frais administratifs de la demande.

À la demande du locataire, aucune politique en place

Numéro de l’affaireRaison de la demandeRésultat
SWT-16361-18Le propriétaire n’a pas prévenu l’infiltration de fumée secondaire de marijuana dans le logement du locataire. Cela a considérablement interféré avec la jouissance raisonnable du logement par le locataire.L’arbitre a jugé que les propriétaires n’avaient pas respecté leurs obligations en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi, aux termes duquel ils doivent réparer ou entretenir le logement de location pour respecter les normes de santé et ont interféré considérablement avec la jouissance raisonnable des installations par le locataire. Le propriétaire a versé au locataire 1 350 $ pour les frais de déménagement et rabais sur le loyer.

 Le montant total que les propriétaires devaient au locataire s’élevait à 1 350 $.