Questions relatives aux enjeux juridiques

Les renseignements suivants proviennent d’un avis juridique préparé par David H. Hill; C.M., Q.C. De Perley-Robertson, Hill & McDougall. Il a été mandaté par l’ancien Réseau ontarien sans tabac, un réseau interagence provincial formé de la division de l’Ontario de la Société canadienne du cancer, de la Fondation des maladies du cœur de l’Ontario et l’Ontario Lung Association, avec la participation de l’Association pour les droits des non-fumeurs;

Il convient de noter qu’il peut y avoir des logements membres et des logements non membres au sein d’une coopérative d’habitation. Ces renseignements juridiques concernent uniquement les logements membres.

La présente section représentant notre interprétation de l’avis juridique, et n’abordant pas tous les enjeux soulevés par l’avis, elle doit être utilisée à titre informatif uniquement. Si vous prévoyez mettre en place une politique sans fumée, il est recommandé d’examiner l’ensemble de l’avis juridique. Il est également recommandé que les sociétés coopératives d’habitation qui s’intéressent à des questions juridiques précises à ce sujet obtiennent des conseils juridiques indépendants.

Les lois qui doivent être respectées dans la préparation de politiques sans fumée dans les coopératives sont énumérées ci-dessous :

Les coopératives de logement de l’Ontario sont régies par la Loi sur les sociétés coopératives. Les membres des coopératives élisent leurs conseils d’administration et proposent et votent des règlements administratifs, y compris ceux liés au tabac, lors de réunions des membres (p. ex. assemblées générales annuelles). Les coopératives peuvent soumettre des requêtes à la Commission de la location immobilière pour faire appliquer leurs règlements administratifs, y compris des interdictions du tabac.

Les membres qui reçoivent un avis d’expulsion peuvent interjeter appel pour que cette décision soit invalidée à une réunion des membres uniquement si les règlements administratifs de la coopérative le permettent.

Téléchargez la Loi sur les sociétés coopératives.

En Ontario, fumer du tabac et du cannabis, et vapoter toute substance est interdit dans les zones communes intérieures de propriétés à logements multiples, notamment les foyers, ascenseurs, cages d’escalier, buanderies, couloirs, etc. Cependant, la Loi ne s’applique pas aux situations où les résidents partagent des « zones communes » au sein de logements privés comme les cuisines, salons et salles de bains, par exemple quand ils louent une chambre dans une maison, mais partagent une cuisine et une salle de bain. Dans certaines situations, comme en cas de prestation de services de garderie ou de soins de santé à domicile, la Loi reconnaît les logements privés comme des lieux de travail et fumer y est également interdit.

La loi permet à certains types de résidences servant également de lieu de travail d’établir des « zones fumeurs contrôlées » (également appelées fumoirs) pour les résidents uniquement, à condition qu’elles soient fermées, qu’elles respectent des exigences de ventilation strictes, et qu’elles ne soient utilisées que par les résidents qui peuvent fumer indépendamment. Selon la loi, les types d’installations à logements multiples suivants sont autorisés à avoir des zones fumeurs contrôlées :

  • Maisons de soins infirmiers, foyers de bienfaisance pour personnes âgées, logements supervisés;
  • Maisons de retraite offrant des soins;
  • Établissements psychiatriques;
  • Établissements résidentiels pour anciens combattants.

Les hôtels et autres types d’hébergements temporaires sont explicitement exclus de la loi favorable à un Ontario sans fumée, ce qui signifie que fumer est autorisé dans les chambres privées, sauf si l’hôtel a adopté une politique sans fumée.

Le Code des droits de la personne confère aux Ontariens les mêmes droits et possibilités sur des sujets comme l’emploi, le logement et les services. Le Code offre une protection contre la discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur de peau, l’origine ethnique, la citoyenneté, les croyances, le sexe, l’orientation sexuelle, les handicaps, l’âge, l’état matrimonial, la situation familiale, le fait d’être bénéficiaire d’une assistance publique et les antécédents criminels. Lorsqu’il existe un conflit entre le Code et une autre loi de l’Ontario, le Code prévaut généralement.

Dans le contexte du logement, le Code des droits de la personne contient certaines dispositions intéressantes concernant les politiques sur le tabac et l’interdiction du tabac aux articles 2 (1), 11 (1) a) et 17 (1) et (2). Il est possible qu’un locataire puisse soumettre une requête au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario au motif que le propriétaire n’a pas pris de mesures raisonnables pour résoudre un problème de fumée secondaire s’infiltrant dans son logement depuis un logement voisin. Un locataire ayant un handicap aggravé par la fumée secondaire, tel que l’asthme, ou les allergies, pourrait arguer que le propriétaire a la responsabilité de limiter ou interdire le tabac afin de s’adapter au handicap du locataire.  

À l’inverse, le tabagisme n’est pas considéré dans le Code comme un motif de protection. En 2007, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a publié un rapport sur le logement locatif et les droits de la personne, qui concluait qu’« il y a des décisions conflictuelles quant à savoir si fumer peut être considéré ou non comme un handicap et si autoriser les personnes à fumer est une adaptation convenable. » En 2009, la CODP a publié une Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif. La partie 6.1 aborde le sujet du tabac, et sa conclusion est la suivante :

« Un fournisseur de logement a le devoir d’explorer les demandes d’adaptation des locataires ayant toute forme de handicap. Il peut être demandé aux locataires de coopérer et contribuer à l’adaptation pour eux-mêmes, et au besoin, pour les autres locataires. »

Cependant, compte tenu des risques inhérents associés au tabagisme, un fournisseur de logement peut avoir peu ou pas d’obligation de s’adapter au besoin du locataire de fumer, si cela entraînerait une contrainte excessive, par exemple, en affectant négativement la santé et la sécurité des autres locataires.

La question du tabagisme en tant que handicap a été traitée à plusieurs reprises au fil des années, et les tribunaux canadiens ont toujours conclu (à une exception près) que la dépendance à la nicotine n’est pas un handicap. La seule exception était une décision de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique dans le contexte d’un emploi. Cominco, une fonderie de nickel, avait interdit le tabac sur le site de l’usine, et bien que la Commission ait jugé que l’interdiction constituait une discrimination contre les fumeurs fortement dépendants, elle a également reconnu que la politique sans fumée de l’employeur était raisonnable, et adoptée pour protéger les non-fumeurs contre un danger connu. L’affaire a été dirigée vers les parties pour trouver une solution d’adaptation aux fumeurs fortement dépendants, et l’interdiction de fumer de Cominco demeure en effet aujourd’hui.

Il est important de noter que cette décision s’appliquait à une situation d’emploi. En ce qui concerne le logement, il est peu probable qu’un arbitre ou un juge préfère que les locataires soient constamment exposés à la fumée secondaire plutôt que de violer le droit supposé d’une personne à fumer. Le fait qu’une personne exerce sa liberté de fumer ne signifie pas nécessairement qu’elle a un droit absolu de fumer.

Le problème central est le sevrage de la nicotine. Même si à l’avenir, un arbitre ou un juge déterminait que le tabagisme d’un locataire est un handicap, l’objectif deviendra pour le propriétaire d’offrir une adaptation raisonnable sans contrainte excessive. Cela pourrait inclure d’offrir une zone fumeur extérieure, d’apporter des modifications physiques au logement du fumeur, ou d’offrir une thérapie de remplacement de la nicotine, etc.

Il doit être noté que la désignation d’un handicap est individuelle. Si un juge venait à décider qu’un locataire fumeur était handicapé, cela ne signifie pas que tous les fumeurs en Ontario devraient aussi être reconnus comme handicapés.

La Charte canadienne des droits et des libertés est une déclaration de droits ancrée dans la Constitution du Canada. Elle forme la première partie de la Loi constitutionnelle de 1982, et sert à protéger certains droits politiques et civils des habitants du Canada contre les politiques et actions de tous les échelons du gouvernement. Voici quelques exemples de ces droits et libertés :

  • Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité (article 7);
  • Le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités (article 12);
  • Le droit à l’égalité devant la loi (article 15);
  • La liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de religion (paragraphe 2a).

La Charte s’applique uniquement aux lois et mesures gouvernementales (y compris les lois et mesures des administrations fédérales, provinciales et municipales et des conseils scolaires publics), et non aux activités privées telles que les dispositions d’un bail de location. Contrairement aux revendications de divers groupes de défense des droits des fumeurs, la Charte ne protège pas les fumeurs contre la discrimination.

Les droits et libertés indiqués ci-dessus ont été choisis comme exemples, car de nombreuses lois et politiques canadiennes d’interdiction du tabac ont été remises en question au motif de ces articles de la Charte. Les juges chargés de ces affaires ont toujours conclu que la Charte ne reconnaît pas les fumeurs comme un groupe souffrant d’un désavantage social, politique ou juridique dans notre société. En vertu de cette législation, fumer n’est pas considéré comme un handicap physique, et cela a été démontré dans plusieurs affaires.