Questions relatives aux enjeux juridiques

Les renseignements suivants proviennent d’un avis juridique préparé par Perley-Robertson, Hill & McDougall.

En Ontario, les associations condominiales sont assujetties à la Loi de 1998 sur les condominiums, qui ne se prononce pas sur le sujet de la fumée. Les associations condominiales sont créées par l’enregistrement par le propriétaire de la déclaration et description de la propriété, et avant cet enregistrement, elles n’existent pas devant la loi. La déclaration porte sur le cadre de l’association condominiale : c’est l’équivalent de sa constitution. Elle peut indiquer des conditions ou restrictions concernant l’occupation et l’utilisation des logements ou des parties communes (alinéa 7 (4) b)). Une fois enregistrée, la déclaration ne peut être modifiée qu’en ce qui concerne les conditions et restrictions de l’occupation et l’utilisation des logements ou parties communes par approbation du conseil d’administration de l’association condominiale et les propriétaires d’au moins 80 % des logements doivent consentir au changement. La description comprend les plans délimitant les logements et les parties communes.

Une fois créée, une association condominiale est régie par un conseil d’administration élu par les membres de l’association. Le conseil d’administration adopte des règlements administratifs qui traitent de sujets de gouvernance de l’association et d’enjeux de gestion. Avant de prendre effet, un règlement administratif adopté par le conseil doit être approuvé par une majorité des propriétaires de logement dans le condominium. Le paragraphe 56(1) de la Loi prévoit que les règlements administratifs peuvent régir l’entretien des parties privatives et des parties communes (alinéa j)) et régir la gestion de la propriété (alinéa l)).

Le conseil d’administration d’une association condominiale peut aussi, selon le paragraphe 58 (1) de la Loi, adopter des règles relativement à l’usage des parties privatives et des parties communes :

a) soit pour promouvoir la protection, la sécurité et le bien-être ou le bon état, selon le cas, des propriétaires ainsi que de la propriété et des biens éventuels de l’association;

b) soit pour empêcher que soient gênés déraisonnablement l’usage et la jouissance des parties privatives, des parties communes ou des biens éventuels de l’association. 

Le paragraphe 58 (2) de la Loi prévoit : « Les règles doivent être raisonnables et compatibles avec la présente loi, la déclaration et les règlements administratifs. » Les règles adoptées par le conseil d’administration d’une association condominiale prennent effet 30 jours après la communication de l’avis aux propriétaires des logements, sauf si les propriétaires des logements demandent une réunion des propriétaires visant à modifier ou abroger des règles.

Par conséquent, une association condominiale pourrait vraisemblablement établir une politique sans fumée dans la déclaration ou dans les règles.

Télécharger la Loi de 1998 sur les condominiums.

Les locataires doivent suivre les règles, les règlements administratifs, et la déclaration du condominium. Cela signifie que si le condominium établit une politique sans fumée, les locataires sont tenus de la respecter.

Cependant, lorsqu’un propriétaire de condominium met son logement en location, une relation de propriétaire et locataire est établie. Les relations de locations d’habitation en Ontario sont assujetties à la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation. La Loi décrit les droits et responsabilités des propriétaires et des locataires des locaux d’habitation. La Loi offre également un moyen de résoudre les conflits auprès de la Commission de la location immobilière.

Il est légal pour un propriétaire d’adopter une politique sans fumée dans son logement du condominium. Les propriétaires ont le droit d’imposer des obligations ou restrictions aux locataires qui ne figurent pas sur le bail standard, à condition que ces exigences n’enfreignent pas la Loi sur la location à usage d’habitation, le Code des droits de la personne de l’Ontario, ou toute autre loi.

Cependant, une politique sans fumée ne s’appliquerait qu’aux nouveaux locataires qui signent un bail. Le paragraphe 38 (1) de la Loi indique que si une convention de location pour une période définie s’est terminée et que la location n’a pas été renouvelée ni résiliée, le propriétaire et le locataire sont considérés comme l’ayant renouvelée sous forme de convention de location mensuelle contenant les mêmes modalités que celle qui a expiré. Les locataires existants souhaitant fumer dans leurs logements bénéficieraient d’une « clause de droits acquis », ce qui signifie qu’ils pourraient être autorisés à continuer de fumer dans leur logement tout au long de leur location.

Si une convention de location ne comprend pas de clause sans fumée, et que l’association condominiale elle-même n’a pas mis en place une interdiction de fumer, les locataires sont autorisés à fumer dans leur logement.

Cela ne signifie pas que les locataires ont un droit absolu de fumer sans tenir compte des autres résidents de l’immeuble. L’article 22 indique qu’un propriétaire ne doit pas interférer avec la jouissance raisonnable du logement d’un locataire, ce qui pourrait vouloir dire ne pas agir contre l’infiltration de fumée secondaire de logements voisins (à condition qu’ils appartiennent également au propriétaire).

Bien que la loi ne précise pas exactement que la fumée secondaire constitue un motif de violation de la jouissance raisonnable, il y a eu des affaires juridiques en Ontario aux termes desquelles l’infiltration de fumée secondaire qui causait une perturbation importante a été jugée comme une violation de la jouissance raisonnable.

Cependant, la situation peut se compliquer si la fumée secondaire entre dans un logement occupé par un propriétaire depuis un logement de location du condominium. Dans cette situation, la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation ne fait pas autorité. Le propriétaire du condominium involontairement exposé peut essayer soit de parler directement au locataire du problème, ou peut communiquer avec le propriétaire et gérer la situation entre propriétaires. Voir la section questions courantes pour de plus amples renseignements.

En Ontario, fumer du tabac et du cannabis, et vapoter toute substance est interdit dans les zones communes intérieures de propriétés à logements multiples, notamment les foyers, ascenseurs, cages d’escalier, buanderies, couloirs, etc. Cependant, la Loi ne s’applique pas aux situations où les résidents partagent des « zones communes » au sein de logements privés comme les cuisines, salons et salles de bains, par exemple quand ils louent une chambre dans une maison, mais partagent une cuisine et une salle de bain. Dans certaines situations, comme en cas de prestation de services de garderie ou de soins de santé à domicile, la Loi reconnaît les logements privés comme des lieux de travail et fumer y est également interdit.

La loi permet à certains types de résidences servant également de lieu de travail d’établir des « zones fumeurs contrôlées » (également appelées fumoirs) pour les résidents uniquement, à condition qu’elles soient fermées, qu’elles respectent des exigences de ventilation strictes, et qu’elles ne soient utilisées que par les résidents qui peuvent fumer indépendamment. Selon la loi, les types d’installations à logements multiples suivants sont autorisés à avoir des zones fumeurs contrôlées :

  • Maisons de soins infirmiers, foyers de bienfaisance pour personnes âgées, logements supervisés;
  • Maisons de retraite offrant des soins;
  • Établissements psychiatriques;
  • Établissements résidentiels pour anciens combattants.

Les hôtels et autres types d’hébergements temporaires sont explicitement exclus de la loi favorable à un Ontario sans fumée, ce qui signifie que fumer est autorisé dans les chambres privées, sauf si l’hôtel a adopté une politique sans fumée.

Le Code des droits de la personne confère aux Ontariens les mêmes droits et possibilités sur des sujets comme l’emploi, le logement et les services. Le Code offre une protection contre la discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur de peau, l’origine ethnique, la citoyenneté, les croyances, le sexe, l’orientation sexuelle, les handicaps, l’âge, l’état matrimonial, la situation familiale, le fait d’être bénéficiaire d’une assistance publique et les antécédents criminels. Lorsqu’il existe un conflit entre le Code et une autre loi de l’Ontario, le Code prévaut généralement.

Dans le contexte du logement, le Code des droits de la personne contient certaines dispositions intéressantes concernant les politiques sur le tabac et l’interdiction du tabac aux articles 2 (1), 11 (1) a) et 17 (1) et (2). Il est possible qu’un locataire puisse soumettre une requête au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario au motif que le propriétaire n’a pas pris de mesures raisonnables pour résoudre un problème de fumée secondaire s’infiltrant dans son logement depuis un logement voisin. Un locataire ayant un handicap aggravé par la fumée secondaire, tel que l’asthme, ou les allergies, pourrait arguer que le propriétaire a la responsabilité de limiter ou d’interdire le tabac afin de s’adapter au handicap du locataire.

À l’inverse, le tabagisme n’est pas considéré dans le Code comme un motif de protection. En 2007, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a publié un rapport sur le logement locatif et les droits de la personne, qui concluait qu’« il y a des décisions conflictuelles quant à savoir si fumer peut être considéré ou non comme un handicap et si autoriser les personnes à fumer est une adaptation convenable. » En 2009, la CODP a publié une Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif. La partie 6.1 aborde le sujet du tabac, et sa conclusion est la suivante :

« Un fournisseur de logement a le devoir d’explorer les demandes d’adaptation des locataires ayant toute forme de handicap. Il peut être demandé aux locataires de coopérer et contribuer à l’adaptation pour eux-mêmes, et au besoin, pour les autres locataires. »

Cependant, compte tenu des risques inhérents associés au tabagisme, un fournisseur de logement peut avoir peu ou pas d’obligation de s’adapter au besoin du locataire de fumer, si cela entraînerait une contrainte excessive, par exemple, en affectant négativement la santé et la sécurité des autres locataires.

La question du tabagisme en tant que handicap a été traitée à plusieurs reprises au fil des années, et les tribunaux canadiens ont toujours conclu (à une exception près) que la dépendance à la nicotine n’est pas un handicap. La seule exception était une décision de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique dans le contexte d’un emploi. Cominco, une fonderie de nickel, avait interdit le tabac sur le site de l’usine, et bien que la Commission ait jugé que l’interdiction constituait une discrimination contre les fumeurs fortement dépendants, elle a également reconnu que la politique sans fumée de l’employeur était raisonnable, et adoptée pour protéger les non-fumeurs contre un danger connu. L’affaire a été redirigée vers les parties pour trouver une solution d’adaptation aux fumeurs fortement dépendants, et l’interdiction de fumer de Cominco demeure en effet aujourd’hui.

Il est important de noter que cette décision s’appliquait à une situation d’emploi. En ce qui concerne le logement, il est peu probable qu’un arbitre ou un juge préfère que les locataires soient constamment exposés à la fumée secondaire plutôt que de violer le droit supposé d’une personne à fumer. Le fait qu’une personne exerce sa liberté de fumer ne signifie pas nécessairement qu’elle a un droit absolu de fumer.

Le problème central est le sevrage de la nicotine. Même si à l’avenir, un arbitre ou un juge déterminait que le tabagisme d’un locataire est un handicap, l’objectif deviendra pour le propriétaire d’offrir une adaptation raisonnable sans contrainte excessive. Cela pourrait inclure d’offrir une zone fumeurs extérieure, d’apporter des modifications physiques au logement du fumeur, ou d’offrir une thérapie de remplacement de la nicotine, etc.

Il doit être noté que la désignation d’un handicap est individuelle. Si un juge venait à décider qu’un locataire fumeur était handicapé, cela ne signifie pas que tous les fumeurs en Ontario devraient aussi être reconnus comme handicapés.

La Charte canadienne des droits et des libertés est une déclaration de droits ancrée dans la Constitution du Canada. Elle forme la première partie de la Loi constitutionnelle de 1982, et sert à protéger certains droits politiques et civils des habitants du Canada contre les politiques et actions de tous les échelons du gouvernement. Voici quelques exemples de ces droits et libertés :

  • Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité (article 7);
  • Le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités (article 12);
  • Le droit à l’égalité devant la loi (article 15);
  • La liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de religion (paragraphe 2a).

La Charte s’applique uniquement aux lois et mesures gouvernementales (y compris les lois et mesures des administrations fédérales, provinciales et municipales et des conseils scolaires publics), et non aux activités privées telles que les dispositions d’un bail de location. Contrairement aux revendications de divers groupes de défense des droits des fumeurs, la Charte ne protège pas les fumeurs contre la discrimination.

Les droits et libertés indiqués ci-dessus ont été choisis comme exemples, car de nombreuses lois et politiques canadiennes sans fumée ont été remises en question au motif de ces articles de la Charte. Les juges chargés de ces affaires ont toujours conclu que la Charte ne reconnaît pas les fumeurs comme un groupe souffrant d’un désavantage social, politique ou juridique dans notre société. En vertu de cette législation, fumer n’est pas considéré comme un handicap physique, et cela a été démontré dans plusieurs affaires.

Opinions juridiques

Il y a des exemples de jurisprudence en Ontario concernant la fumée secondaire dans les condominiums. En voici un ci-dessous :

À la demande du propriétaire, aucune politique en place

Numéro de l’affaireRaison de la demandeRésultat
TSL-81570-17Le propriétaire a fait une demande d’ordonnance de résiliation de la location, car le locataire fumait du cannabis.Le contrat de location a été résilié. Le locataire a dû payer les frais de demande ( 190 $).

D’autres cas sont présentés ci-dessous :

LEARY V. STRATA PLAN VR1001, 2016 BCHRT 139 (21 SEPTEMBRE 2016)

BALCONY SMOKERS LIKELY VIOLATE CONDOMINIUM ACT», TORONTO STAR FÉVRIER 2017

THE OWNERS, STRATA PLAN NW 1815 V. ARADI

SHARON MACKAY V. METROPOLITAN TORONTO CONDOMINIUM CORP, 2014 ONSC 2863 (MAI 2014)